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Histoire d'un championnat de France sur route :

Championne de Bretagne sur route le 13 juin 1971, je suis sélectionnée à participer au championnat de France le 2 juillet à Jeumont dans le Nord. Un circuit de 6,200 km à parcourir 10 fois, parsemé de petites rampes et une côte susceptible de faire la sélection. 41 concurrentes au départ.

Sous un ciel couvert, le départ est imminent. Je suis plutôt pessimiste au moment de l'appel, ayant le temps de remarquer les boyaux des bicyclettes voisines, neufs et fins. J'observe les miens qui ont déjà roulé, plus gros que fins. Peut-être qu'en jouant finement...
Je ne pense à aucune stratégie, la tête encombrée par une idée décourageante : "mais qu'est-ce que je viens faire ici ?"
Geneviève Gambillon, championne de France sortante, intouchable depuis quelques années, m'effraie. C'est elle la favorite. En plus, elle a dominé toutes ses adversaires, il y a quelques jours, sur le vélodrome de Roubaix. J'y étais. Elle n'a fait qu'une bouchée de moi en poursuite...

Geneviève veut impressionner dès la course lancée. Elle s'échappe seule, mais le peloton réagit. Jusqu'au kilomètre 46 il y aura une succession d'attaques : la bretonne Micheline Lemoigne, Geneviève encore, Danièle Piton, Micheline à nouveau, Geneviève tente une troisième fois, et Micheline remet ça, et voilà Annick Bodèle, Geneviève repart, Marie-Thérèse Bouchet débouche, Béatrice Vachet s'échappe, Geneviève revient à la charge.
Le peloton rudement secoué s'étrique.
Jusqu'à présent, tout a avorté.

A force de me montrer des exemples, une idée me passe par la tête : attaquer aussi, même le gratin un peu, voire beaucoup entamé.
Il faut oser dans la vie...
Je profite de la méchanceté de la bosse et de la mienne pour placer un sale coup. Au sommet, un virage à gauche, du plat. Je me retourne. Le peloton toujours clairsemé semble plafonner à 100 mètres. Je lève un peu le pied, me disant : "alors qu'est-ce qu'elles foutent ?... Et si je continuais sur ma lancée !...

Et voilà, j'ai continué et résisté pendant les trois derniers tours. Mais il était temps que j'arrive. Si la ligne blanche avait été tracée 1 mètre plus loin, Geneviève Gambillon m'aurait bel et bien coiffée. Et de l'autre côté, j'aurais montré ma tête des mauvais jours...

"Rien ne sert de courir ; il faut partir à point."

Il paraît que ce fut la grosse surprise de cette semaine fédérale.

L'arrivée : Geneviève à gauche. Au fond le peloton. On aperçoit la ligne blanche très discrète en bas de la photo.

L'arrivée : Geneviève à gauche. Au fond le peloton. On aperçoit la ligne blanche très discrète en bas de la photo.

Sur le podium : Geneviève, déçue, tarda à me rejoindre sur le podium. Béatrice Vachet vint sur la troisième marche après avoir réglé le peloton au sprint. Jacques Ettel, membre de la Fédération française de cyclisme, me remit le rituel chrono des laboratoires "Musclor Elvédé." Jacques me dit : "vous êtes le Petit Chapron Rouge, vous n'avez pas eu peur d'attaquer."

Sur le podium : Geneviève, déçue, tarda à me rejoindre sur le podium. Béatrice Vachet vint sur la troisième marche après avoir réglé le peloton au sprint. Jacques Ettel, membre de la Fédération française de cyclisme, me remit le rituel chrono des laboratoires "Musclor Elvédé." Jacques me dit : "vous êtes le Petit Chapron Rouge, vous n'avez pas eu peur d'attaquer."

Et ensuite ?

La nouvelle se répandit aussitôt après, comme une traînée de poudre, à Plessala où je résidais et à Loudéac où je travaillais et où siégeait mon club.
A Jeumont, les coupes de champagne se vidaient ; les Bretons chantaient : "ils ont des chapeaux ronds, vive la Bretagne..."

Une fois à Loudéac le lendemain soir, la première visite revint à mon mécano Henri Le Corre qui m'accompagna chez Henri Caresmel, président du club où j'étais licenciée.
Après les embrassades, les félicitations, les questions, le champagne...un tour de ville s'imposait.

Debout dans la remorque délestée des bagages, tirée par la voiture des jumeaux présents à Jeumont, nous avons sillonné les rues de Loudéac en chantant. Au premier plan, Jean-Claude Collet, Daniel son frère jumeau ; Henri Le Corre, assis ; Francis, son frère, derrière moi.

Debout dans la remorque délestée des bagages, tirée par la voiture des jumeaux présents à Jeumont, nous avons sillonné les rues de Loudéac en chantant. Au premier plan, Jean-Claude Collet, Daniel son frère jumeau ; Henri Le Corre, assis ; Francis, son frère, derrière moi.

Et encore :

Nombreuses réceptions s'en suivirent. Celle de la municipalité de Plessala ; celle du club de Loudéac ; celle de mon entreprise ; celle du Comité des fêtes de Blanlin, etc...

Ce titre national me juchait enfin au niveau de l'élite française. J'entrai dans l'équipe de France. La conséquence la plus immédiate fut une première sélection pour le championnat du monde à Mendrisio en Suisse.

42 postulantes au départ représentant 13 pays.

Mendrisio, avant le départ. Je suis au premier plan, Geneviève Gambillon et Mauricette Carpentier.  Vers la mi course, un pan du peloton s'écroule. Je suis la vague, ainsi que Geneviève. Sérieusement blessée, elle termine l'épreuve en se classant  31ème. Moins touchée, je finis 23ème avec un goût d'amertume dans la bouche.

Mendrisio, avant le départ. Je suis au premier plan, Geneviève Gambillon et Mauricette Carpentier. Vers la mi course, un pan du peloton s'écroule. Je suis la vague, ainsi que Geneviève. Sérieusement blessée, elle termine l'épreuve en se classant 31ème. Moins touchée, je finis 23ème avec un goût d'amertume dans la bouche.

Et maintenant :
 

Les gens de ma génération s'en souviennent. Ils en parlent encore.

Toute ma vie, ce titre de championne de France me suivra agréablement.

Tag(s) : #A VELO